Depuis la semaine dernière, les internautes réunionnais subissent de gros ralentissements sur leurs connexions internet. La faute à un incident sur l’un des câbles sous-marins de l’océan Indien, couplé à une maintenance sur l’autre câble. La connexion des internautes Réunionnais et de ceux de la zone subit depuis la semaine dernière, d’importants ralentissements. Des ralentissements liés aux câbles sous-marins qui relient notre île à l’internet mondial. Depuis la semaine dernière, de nombreux commentaires agressifs se déversent aussi sur les réseaux sociaux. Qui ne pesterait pas face à un internet au ralenti ?
Mais au fait, pourquoi est-ce que ça ralentit ?
Pour répondre correctement à cette question, il est nécessaire de revenir 15 années en arrière. Jusqu’en 2002, La Réunion était reliée au net par des liaisons satellitaires. Une technologie qui avait ses avantages (coûts d’une station VSAT, haute disponibilité…) mais aussi ses inconvénients (sensibilité aux aléas climatiques, temps de réponse et donc débit max…).
Mais tout change avec l’arrivée en avril 2002 du premier câble sous-marin de fibre optique reliant l’île à l’internet mondial. Baptisé SAT-3/WASC/SAFE et construit par l’entreprise américaine Tyco Submarine System, son déploiement a duré 5 longues années. Un déploiement réalisé à l’initiative d’un consortium composé de 36 membres. Au total, le câble mesure plus de 28 000 kilomètres de long pour un coût total dépassant les 640 millions de dollars ! Pour vous donner une idée de sa longueur, dites-vous que le diamètre de la Terre est d’environ 12 740 kilomètres. L’infrastructure est cependant « coupée », si l’on peut dire, en deux parties. Une première partie, SAT-3/WASC, relie l’Europe et l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique australe en passant par l’océan Atlantique. La deuxième partie, qui nous intéresse directement, relie quant à elle l’Afrique du Sud à la Malaisie en passant par l’océan Indien. D’où le nom de SAFE, pour South Africa – Far East. Même si SAFE peut être utilisé comme liaison de secours pour l’Europe, son appellation ne vient donc pas de l’Anglaise « safe » (eh oui, c’est dommage mais vous pouvez arrêter vos blagues sur le fait que le câble ne soit pas très sûr 😉 .
Long de 13 104 kms, SAFE touche terre à La Réunion du côté de la baie de Saint-Paul. Ok, c’est bien beau tout ça mais quel rapport avec la lenteur d’internet ? Et bien il faut savoir que les câbles sous-marins connaissent de nombreux incidents au cours de leur durée de vie (estimée en moyenne à 25 ans).
Panne, rupture, décrochage… ces incidents sont de nature diverse. Mais le problème le plus courant, c’est la casse. Et ce n’est pas une spécificité de SAFE. En moyenne, on recense plus d’une centaine de ruptures chaque année sur les 1,1 million de kilomètres (!!) de câbles sous-marins reliant les 5 continents.
Et 74 % de ces ruptures ont pour cause des activités humaines. Les navires de pêche sont ainsi les principaux responsables des casses. Et si l’on n’a pas encore les détails de l’incident qui affecte le SAFE, on peut supposer que c’est certainement ce qui lui est arrivé. A titre de comparaison, les pannes n’arrivent que dans 8 % à peine des cas de ralentissement. Une rupture sur SAFE oblige donc les opérateurs à répartir leurs capacités sur des infrastructures alternatives.
Or, dans la zone, nous ne sommes pas spécialement bien lotis. Un simple coup d’œil à Submarine Cable Map (un site recensant l’ensemble des câbles internet du monde), permet en effet de constater qu’à part SAFE, les choix sont limités.
Depuis 2009, un deuxième câble atterrit heureusement à La Réunion. Long de 1060 km et baptisé LION (pour Lower Indian Ocean Network), il relie les îles de la zone entre elles avant de poursuivre vers l’Afrique en se raccordant à LION2.
Oui mais voilà, comme tous les câbles, LION doit subir des maintenances. Et une opération de ce type était justement en cours au moment de la rupture de SAFE. Prévue pour durer jusqu’au 21 juillet, cette maintenance concerne les répéteurs du câble (des équipements qui permettent, comme leur nom l’indique, de répéter le signal afin qu’il puisse parcourir de longues distances sans affaiblissement). La date du 21 juillet ne concerne donc pas la réparation du SAFE comme on peut le lire sur certains sites mais la fin des travaux sur LION.
Vivement un nouveau câble !
Pour résumer, l’énorme baisse de débit que l’on constate actuellement est donc liée à un incident sur le câble SAFE couplé à une maintenance du câble LION qui ne peut donc pas correctement servir de liaison de secours. Pour le coup, on peut dire qu’il s’agit d’un malheureux concours de circonstances. Reste que cet épisode nous renvoie à une triste réalité locale, à savoir le manque de liaisons vers l’extérieur qui fait courir un risque plus grand de « black-out ».
Les opérateurs métropolitains disposent par exemple de 8 câbles sous-marins, sans compter les liaisons terrestres. En cas de rupture, les alternatives sont donc plus nombreuses.
Fort heureusement, un nouveau câble devrait bientôt raccorder l’île à l’internet mondial. Baptisé METISS, il sera normalement livré l’année prochaine. Reste à espérer que sa mise en service permette d’éviter les désagréments que l’on rencontre actuellement… ou au moins, de les limiter fortement.
Les “explications techniques” importent peu finalement. On nous explique depuis des années qu’il est logique que le net soit plus cher à La Réunion à cause du manque de solutions concernant le faible nombre de câbles et rareté = cherté en économie. Payer plus cher pour avoir un équivalent, je veux bien, hors ici on paie 3x plus cher qu’en métropole pour un service je-ne-sais combien de fois moins bon !!!
On paie plus cher nos voitures… mais au final on a les mêmes nan ? On paie plus cher notre Coca Cola mais au final on a bien du Coca, pas du RC Cola !
Au final avec le net on paie plus pour avoir moins bien. Est-ce logique ?
Bonjour,
De loin le meilleur article sur le sujet, avec un bon travail de recherche.
Pour répondre à GVar : oui on paie plus cher car les opérateurs payent aussi plus cher. Par contre, on ne peut pas comparer aux voitures : même dans un cas technique idéal, l’éloignement ne nous permettra jamais d’avoir les mêmes performances vers les serveurs situés en Europe. La solution serait que les fournisseurs de contenus rapprochent leurs serveurs, ce qu’ils ne feront pas forcémenent pour le peu d’utilisateurs que nous sommes…
Merci à Zed aussi pour ce commentaire encourageant.
Nous avons déjà échangé de façon très constructive avec Gvar sur Facebook.
Pour donner un parallèle avec les voitures, un incident sur les câbles c’est comme si on commandait un véhicule neuf chez son concessionnaire. Comme on est à la Réunion, il faut bien évidemment payer 30 % plus cher (taxe + livraison) pour un modèle similaire à celui de métropole. Sauf qu’au bout de 2 mois d’attente, on apprend que le bateau qui devait livrer la voiture a coulé en cours de route. Du coup on serait obligé en plus d’attendre 3 mois supplémentaires qu’on nous livre une nouvelle voiture.
Difficile d’accuser le concessionnaire qui n’a fait qu’utiliser les services de livraison mais voilà, on se retrouve quand même à payer 30 % plus cher pour un service qu’on ne peut pas utiliser tout de suite à cause d’un incident.
L’isolement de notre belle île apporte parfois bien des tracas 🙂
Regardez attentivement la carte, vous ne remarquez rien ? Si si regardez mieux
La Réunion est minuscule perdue dans l’Océan indien, c’est un miracle par rapport à la situation géographique que nous ayons deux câbles et bientôt trois.
La gestion des interventions sur les câbles est particulièrement complexe en terme d’incident ou de maintenance à la fois par la difficulté technique (bateau câblier nécessaire pour intervention, temps d’arrivée sur zone, conditions météo etc.) mais également par les difficultés géopolitiques (nécessité d’autorisation pour les interventions dans les eaux territoriales).
Si on regarde la situation sous un autre angle, nous sommes une région particulièrement bien avancée en terme de déploiement de la fibre optique, les tarifs baissent, nous avons maintenant une offre mobile moins chère qu’en métropole etc.
Mais sinon en tout logique on attend vos solutions miracles.
PS : pour le Coca c’est raté les recettes varient selon les territoires, comme les cigarettes http://www.liberation.fr/societe/2013/03/27/pourquoi-sodas-et-yaourts-sont-ils-plus-sucres-en-outre-mer_891679
Très bon article, bien expliqué. J’ai appris pas mal de choses.
Merci Mathieu. J’espère réaliser d’autres articles sur internet à La Réunion. En espérant qu’ils vous plaisent aussi 😉
Juste une précision aussi pourquoi titrer incident sur le câble SAFE alors non justement c’était une maintenance sur le câble EASSY et des incidents sur les câbles SAT3/WASC et Sea-Me-We-4 ?
L’infographie d’Orange est plutôt pas mal faites sur le sujet
https://pbs.twimg.com/media/DFL5OWUXkAAi0DL.jpg
“pourquoi titrer incident sur le câble SAFE” -> Pour la simple et bonne raison que ce n’est pas mon titre. A la base j’avais titré “Internet : pourquoi ça rame ?” 😉
Après je crois que tout le monde connait davantage ce câble sous le nom de Safe 🙂
Ce n’est pas ce câble justement c’est différents câbles comme tu l’expliques bien.
Pourquoi expliquer clairement les choses ? Pour informer ? Je ne compte plus le nombre de truc à La Réunion où les gens se plaignent sans faire l’effort de se renseigner (faut dire aussi que les médias officiels ne se foulent pas trop).
Un bon ex. le dédouanement -> http://blog.bouckenooghe.com/2011/05/05/colis-taxes-douanes-la-reunion/
Comment on peut aussi se faire rembourser par la douane en cas d’erreur -> http://blog.bouckenooghe.com/?s=colis
Mais du coup c’est qui a édité le titre ? Je croyais que c’était une plate-forme où chaque rédacteur maîtrisait son contenu ?
Bon découverte du site en tout cas pour moi 🙂
Merci pour cet article complet. Avez vous des informations sur le retour à la normale ? après plusieurs retards ou contretemps, la date du 23/07 était avancée, mais il ne semble pas y avoir d’améliorations ?