Dès son arrivée, Emmanuel Macron a donné le ton. « Je suis venu apporter le soutien de la France au peuple libanais », a-t-il annoncé, tel un messie. Les mots « peuple libanais » sont importants dans ce discours improvisé du chef de l’Etat. Le président de la République n’a pas spécifié « le Liban » ou les « autorités libanaises » mais le peuple. Et ce n’est pas un hasard.
Réformes
Emmanuel Macron est le premier chef d’Etat à se déplacer au Liban. Beyrouth a été le théâtre de deux terribles explosions, mardi. L’évolution récente fait montre d’au moins 137 morts et 5 000 blessés dans la capitale libanaise. Il s’est rendu dans la zone portuaire totalement ravagée par les explosions.
Le chef de l’Etat n’a pas seulement affiché sa volonté d’apporter son aide au peuple libanais, il a aussi profité de l’occasion pour donner la leçon à la classe politique libanaise. Le chef de l’État a dénoncé la corruption et appelé à des réformes. Ingérence ? « Il faut réformer (le Liban) (…) Au-delà des explosions, il y avait une crise. (Il faut des) initiatives politiques fortes. Il appartient aux dirigeants en place de mettre en œuvre ses décisions», a-t-il déclaré devant la presse. Emmanuel Macron a à peine échangé avec le Premier ministre libanais, Michel Aoun, la figure politique centrale libanaise.
Un nouveau pacte politique
Cette intervention du président de la République n’est-elle pas fortement teintée d’un soupçon d’ingérence ? Emmanuel Macron s’en cache à peine et succédant les piques envers la classe politique. Durant sa visite dans le quartier huppé dévasté de Gemmayze, où il a échangé longuement avec les habitants, il a répondu aux aspirations des Libanais en colère.
«Le peuple veut la chute du régime», ont scandé les Libanais, ce à quoi Emmanuel Macron a assuré qu’il allait proposer «un nouveau pacte politique» et demander à ses interlocuteurs officiels de «changer le système, d’arrêter la division (et) de lutter contre la corruption». Cette « ingérence » officieuse est aussi alimentée par l’incurie de la classe politique libanaise minée par près de 5 décennies de dissension et de division. Les critiques du chef de l’Etat sont justes contre une classe politique accusée, à juste titre, de corruption et d’immobilisme.
Confessionnalisme
Ce conflit qui n’en finit pas est la résultante d’une spécificité libanaise en matière politique : le confessionnalisme. Au Liban, la répartition du pouvoir politique est encadrée par le confessionnalisme. Ce système établit un partage équitable des pouvoirs entre les communautés religieuses du pays.
Cette excellente vidéo du Monde trace les grands contours des défis qui se posent. Malgré « l’irresponsabilité » de la classe politique libanaise, il est un peu déplacé de la part du chef de l’Etat français de vouloir faire la morale aux politiciens libanais, sur un territoire souverain, alors que la France est loin d’être un modèle en matière d’exemplarité politique. Et ce, au sein même de l’Exécutif. L’exemple le plus frappant : la nomination de Gérald Darmanin au poste de ministre de l’Intérieur alors qu’il est visé par une plainte pour viol. Imaginez que demain, un chef de l’Etat d’un pays étranger vienne en France annoncer en triomphe l’irresponsabilité d’Emmanuel Macron sur ce dossier…