La Réunion, le 7 novembre 2023
Le 7 octobre dernier, Rusgan, un jeune Sri-Lankais, est rentré à La Réunion par avion après avoir été expulsé le 18 septembre, en compagnie de six autres migrants, via un vol spécialement affrété à destination de Colombo. Ce cas met en lumière les déficiences de la politique migratoire à La Réunion, illustrant les lacunes dans l’accueil des migrants, peu importe le coût, et témoigne d’un flux migratoire inédit pour l’île.
Jusqu’en 2018, la question de l’asile dans l’outre-mer français de l’océan Indien était principalement associée à Mayotte. Selon le rapport de l’OFPRA de 2022, la demande d’asile dans l’océan Indien était en quasi-totalité accueillie à Mayotte. Les Comoriens représentaient plus de 50% des demandeurs, suivis par les ressortissants malgaches (21%) et ceux de la région des Grands Lacs (Burundi, Rwanda, RDC) à hauteur de 25%.
La Réunion, quant à elle, accueillait des flux migratoires de Madagascar, des Comores et de Maurice, mais la part d’étrangers et d’immigrés restait significativement moins élevée que la moyenne nationale. En 2017, La Réunion n’avait reçu que 11 demandes d’asile. Cependant, depuis 2018, l’île a été confrontée à une vague migratoire sri-lankaise, bouleversant les paradigmes établis.
L’arrivée de bateaux transportant des Sri-Lankais, principalement des hommes célibataires âgés de 25 à 35 ans, a mis La Réunion sur la carte des destinations d’asile en 2018. Entre mars 2018 et février 2023, 12 bateaux transportant un total de 484 Sri-Lankais ont accosté sur l’île. Malgré des interruptions dues à la pandémie de Covid-19, la situation des migrants sri-lankais à La Réunion reste préoccupante.
La stratégie migratoire observée parmi les familles enquêtées à La Réunion en octobre 2023 révèle un schéma commun : le chef de famille part en premier à Jakarta, tente de trouver un logement en colocation, puis fait venir sa famille. Le déplacement s’effectue en avion, sans besoin de visa pour les ressortissants sri-lankais se rendant en Indonésie. Une fois à Jakarta, l’objectif est de s’enregistrer au UNHCR pour obtenir une protection internationale et, éventuellement, le statut de réfugié.
Face à cette crise migratoire sans précédent, La Réunion a connu des réactions émotionnelles complexes, incluant des sentiments xénophobes instrumentalisés politiquement sur les réseaux sociaux. Toutefois, plusieurs associations, telles que la CIMADE, la Fondation Abbé Pierre, le Secours catholique, Médecins du Monde, et l’Anafé, ainsi que des initiatives citoyennes, se sont mobilisées pour offrir un soutien aux migrants.
L’État, dépassé par ces arrivées massives, a tardé à mettre en place un dispositif national d’accueil. Les avocats spécialisés dans le droit d’asile ont rencontré des obstacles, notamment dans l’accès aux zones d’attente, la coordination des actions et le paiement de leurs honoraires par le fond d’aide juridictionnelle.
La crise migratoire sri-lankaise à La Réunion souligne la nécessité d’une réponse coordonnée et adaptée pour garantir les droits des demandeurs d’asile, tout en respectant les principes humanitaires fondamentaux. La solidarité locale et les efforts des associations sont louables, mais une action concertée de l’État est indispensable pour faire face à cette situation inédite et offrir une réponse juste et humaine aux personnes en quête de protection.