Depuis quelques jours, un phénomène inédit s’est développé sur TikTok, où de nombreuses femmes sont victimes de slut shaming, une forme de harcèlement sexiste qui consiste à dénigrer et insulter les femmes en fonction de leur apparence. L’insulte « Tana », un synonyme déguisé de « p*te », est utilisée pour cibler les femmes sur la plateforme, attaquant leur choix de tenues ou leur maquillage. Face à cette nouvelle vague de sexisme, plusieurs utilisatrices de TikTok ont décidé de riposter en créant un univers imaginaire nommé « Tanaland », un monde fictif où les hommes sont exclus et où les femmes peuvent vivre librement, sans jugement.
Le slut shaming sur TikTok prend une forme particulièrement sournoise, car les internautes trouvent des moyens créatifs de contourner les règles de modération de la plateforme. Le terme « Tana » est ainsi devenu une insulte populaire, servant à critiquer les femmes présentes sur TikTok. Plutôt que de laisser ce mot devenir une arme de plus dans l’arsenal misogyne, les femmes ont choisi de se l’approprier en créant « Tanaland », un refuge symbolique dans lequel elles peuvent s’exprimer sans crainte d’être jugées. Ce pays imaginaire connaît un succès grandissant sur TikTok, avec près de 18 millions d’adeptes.
Un monde fictif 100 % féminin
Dans cet univers, les femmes règnent en maîtres. Le drapeau de « Tanaland » est rose barbie et la capitale, « Tana City », est un symbole de liberté pour celles qui veulent échapper aux normes patriarcales. Le climat y est ensoleillé toute l’année, garantissant un bronzage parfait à toutes ses résidentes. En quelques vidéos et hashtags, les femmes ont créé un espace utopique où elles peuvent circuler en toute sécurité, vêtues comme elles le souhaitent, sans crainte d’être jugées ou harcelées par les hommes.
Certaines influenceuses de renom sur TikTok, victimes de harcèlement sexiste, ont pris la tête de ce mouvement. Les internautes ont proposé la chanteuse Aya Nakamura, une figure influente dans le monde francophone, comme Première ministre de ce pays imaginaire. Des personnalités comme Polska et Toomuchlucile, connues pour dénoncer le sexisme sur les réseaux sociaux, ont également été évoquées pour composer le gouvernement de « Tanaland ». Le projet est bien entendu symbolique, mais il représente une réponse forte au slut shaming et au harcèlement quotidien que subissent les femmes sur les réseaux.
Une réappropriation contre le harcèlement
Le mouvement de « Tanaland » s’inscrit dans une tendance plus large de réappropriation des termes insultants. Lassées d’être continuellement attaquées pour leur apparence ou leurs choix de vie, de nombreuses femmes utilisent cet espace pour tourner le sexisme en dérision et reprendre le contrôle sur les termes qui leur sont imposés. Ce processus de réappropriation permet de changer le sens d’un mot insultant, transformant « Tana » en symbole de résistance et de solidarité entre femmes.
Malgré l’ampleur du harcèlement en ligne, ce phénomène a aussi vu naître des réactions positives. De nombreux hommes, bien que majoritairement silencieux sur ces questions, ont pris la parole pour défendre les femmes de « Tanaland ». Certains d’entre eux se battent même pour tenter d’obtenir symboliquement un passeport pour ce monde fictif, preuve que la solidarité peut traverser les frontières de genre.
Une réponse collective à une vague de misogynie
L’initiative de « Tanaland » s’inscrit dans la continuité des mouvements féministes et des actions menées contre le slut shaming. Ce phénomène rappelle également le mouvement « abrège frère », où de nombreuses femmes avaient déjà dénoncé une campagne de harcèlement sexiste. En réaction à cette nouvelle vague, des influenceuses comme Polska ont résumé l’importance de cette riposte sur TikTok : « Être contre ce mouvement, c’est juste donner raison à tous ces misogynes qui voudraient nous voir pleurer à chaque ‘Tana’ lâché en commentaire dans le but de nous persécuter. »
TikTok, avec son immense popularité, est devenu un terrain de bataille pour les questions de sexisme, de harcèlement et de slut shaming. La création de « Tanaland » démontre que, même dans un environnement numérique parfois hostile, les femmes peuvent trouver des moyens créatifs et solidaires de se défendre et de reprendre le contrôle sur leur image.