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L’abbé Pierre, icône écornée : le Vatican informé dès 1955 des accusations de violences sexuelles

L’abbé Pierre, fondateur du mouvement Emmaüs et longtemps considéré comme une conscience morale de la France, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une onde de choc. Selon des révélations récentes issues d’un livre-enquête appuyé par des documents confidentiels du Vatican, Henri Grouès  de son vrai nom  aurait fait l’objet d’accusations de comportements sexuels inappropriés dès 1955. Pire encore : le Vatican en aurait été informé, sans qu’aucune sanction véritable ne soit prise. Retour sur un scandale qui ébranle l’image d’un homme autrefois perçu comme un saint laïc.

Un dossier enterré par le Vatican dès les années 50

Les révélations proviennent du livre L’Abbé Pierre, la fabrique d’un saint des journalistes Marie-France Etchegoin et Laetitia Cherel. Elles y dévoilent un document confidentiel de dix pages, issu des archives du Dicastère pour la Doctrine de la foi  ex-Saint-Office , qui fait état de comportements sexuels graves de l’abbé Pierre entre 1955 et 1957.

Des courriers d’alerte avaient été envoyés au Vatican par plusieurs cardinaux, notamment aux États-Unis et au Canada. L’archevêque de Montréal, Mgr Paul-Émile Léger, aurait dès 1955 évoqué “des faits d’immoralité” inquiétants. Pourtant, malgré l’ouverture d’une procédure canonique, les pressions de certains évêques français auraient abouti à son abandon en 1957.

Silences et dissimulations : la responsabilité de l’Église

Interrogé récemment, le pape François a reconnu que le Vatican était informé depuis “longtemps” de ces faits, tout en précisant ne pas connaître la date exacte des premières alertes. Il a néanmoins qualifié ces agissements de “crimes honteux”, et plaidé pour une totale transparence.

Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, a lui aussi admis que certains prélats français avaient connaissance de “comportements problématiques” de l’abbé Pierre dès les années 50. Selon lui, une cure psychiatrique aurait été imposée à l’époque une réponse jugée aujourd’hui dérisoire.

Conséquences contemporaines : Emmaüs et la Fondation se désolidarisent

Face à la gravité des faits et à la prise de conscience collective, la Fondation Abbé Pierre a annoncé la fermeture du lieu de mémoire d’Esteville (Seine-Maritime) et s’est engagée à changer de nom dans les mois à venir. De son côté, le mouvement Emmaüs a mis en place une commission indépendante chargée d’examiner les failles institutionnelles ayant permis à Henri Grouès d’agir impunément pendant des décennies.

Ces décisions marquent une rupture claire avec l’image sanctifiée de l’homme qui avait mobilisé la France en 1954 contre la misère, mais qui, dans l’ombre, aurait trahi les principes mêmes qu’il prônait.

Ce que révèle aujourd’hui l’affaire de l’abbé Pierre, c’est la difficulté de faire cohabiter la vérité historique avec les mythes collectifs. Elle illustre aussi les conséquences durables de l’omerta au sein de l’Église, où la réputation d’une figure pouvait prévaloir sur le sort des victimes. Si les institutions religieuses disent aujourd’hui vouloir faire toute la lumière, cette affaire rappelle combien les combats pour la justice et la mémoire exigent courage, transparence et constance.

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