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Crise requin : une faillite collective ?

À rebours, il est toujours facile de critiquer et de pointer du doigt les responsables. Auprès de la mairie de Saint-André, on ne condamne pas, mais on reste lucide. Les déclarations de maire de Saint-André sur les antennes d’une télé locale sont sans ambages et d’une étonnante justesse. « Je ne connaissais pas Alexandre et pour tout vous dire, je ne savais pas qu’il y avait des jeunes qui risquaient leur vie dans le lit de la rivière du Mât. (…) Il pleut tous les soirs depuis quinze jours… L’eau est boueuse… Ils sont allés se jeter dans le nid du requin et ça, c’est dramatique » s’était désolé Jean-Paul Virapoullé.

Comme la procédure l’exige « la procédure post-attaque telle que prévue dans le dispositif réunionnais de gestion du risque requins est activée par le Préfet de La Réunion. Ce dispositif prévoit la réalisation d’opérations de pêche ciblées aux alentours immédiats du lieu de l’attaque. Comme précédemment le comité régional des pêches, en charge de sa mise en œuvre, mobilise actuellement des navires de pêche professionnelle afin de mettre en place des dispositifs de capture et se relayer sur le secteur ».  

Les textes sont clairs. La réglementation en vigueur depuis le 26 juillet 2013, relative à la pratique de certaines activités nautiques et reprise dans l’arrêté préfectoral du 8 février 2017, interdit dans la bande des 300 mètres du littoral du département de La Réunion, sauf dans le lagon et dans les espaces aménagés et les zones surveillées définies par arrêté municipal, les activités les plus exposées au risque requin. La mairie de Saint-André a mis en place des panneaux d’interdiction de baignade « mais ils les ont sciés. Enlever les panneaux, cela ne fera pas fuir les requins », regrette le Premier magistrat de la municipalité.

Mettre au pilori la victime n’est pas constructif. Au lendemain de l’attaque qu’a subie le jeune Laurent Chardard à Boucan-Canot, l’on se souvent que la polémique avait été intense. Le jeune homme de 21 ans a eu un pied et un bras arrachés par un requin alors qu’il faisait du bodyboard dans ce spot alors qu’un énorme trou avait été repéré lors de l’inspection quotidienne du filet. Les MNS avaient alors hissé le drapeau rouge « risque requin » qui interdit toute baignade et activité nautique. Mais Laurent Chardard avait fait fi de cette interdiction à ses risques et périls. La polémique s’était emparée de la toile et de la société réunionnaise.

À La Réunion, les dispositifs expérimentaux, les assises, les technologies employées, les interdits… se heurtent à la résistance au changement, au goût du risque profondément incrusté chez l’homme, surtout chez ceux qui s’adonnent aux sports de glisse qui sont épris de liberté. L’excès de zèle affiché par les policiers municipaux sur les plages n’est sûrement pas une solution, tout comme l’indiscipline chronique dont font montre ces adeptes. Lors d’un colloque avec des spécialistes requin de La Réunion, d’Australie, d’Afrique du Sud, du Brésil et des Etats-Unis, Catherine Vadon du Museum national d’histoire naturelle avait souligné  que « le problème essentiel c’est l’imprudence des usagers de la mer. En Australie ou aux Etats-Unis, les gens sont plus disciplinés. Quand c’est interdit, il ne faut pas y aller. L’océan ne sera jamais une vaste piscine sans danger ».

La vidéo qui a fait le tour du web, montrant un parlementaire européen pris d’un fou rire – et entraînant dans son sillage tout le parlement – , concernant la protection des zones côtières de l’île de la Réunion, a été prémonitoire. La crise requin ne doit plus être prise à la légère. « Dernière arrivée sur la scène internationale du “risque requins”, la Réunion semble sincèrement chercher la voie d’un nouvel équilibre, s’interrogeant sur la possibilité d’une cohabitation. À première vue donc, rien n’a changé sur le sol réunionnais, mais en profondeur, c’est une vraie révolution qui pourrait s’amorcer ». Ce constat date déjà de 2014, lors de la conférence avec des spécialistes requin portant sur le thème « Attaques de requin à La Réunion : quelques pistes pour protéger surfeurs… et requins ».

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