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Tribune libre de Bernard PADE : Aux pesticides, préférons la préservation du Vivant

Ce lundi 03 mai 2021, deux syndicats agricoles, la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs, se sont mobilisés pour s’opposer au retrait d’herbicides sans alternative. Nous comprenons leur inquiétude. Comment parvenir à garder son pouvoir d’achat s’il n’est plus possible d’utiliser des pesticides ? Mais existe-t-il une solution permettant de préserver les emplois, voire en augmenter le nombre, préserver le Vivant plutôt que le détruire ? Un rêve me direz vous ? Et pourtant … ce rêve peut être une réalité sur notre île.

La profession d’agriculteur n’est pas une profession comme les autres. Ils produisent ce que nous mangeons et notre alimentation peut être un médicament. Cette profession devrait recevoir un salaire minimum et pouvoir assurer un revenu décent quels que soient les aléas climatiques. Notre alimentation peut être un médicament mais elle peut également être un poison lent lorsqu’elle diffuse jour après jour des produits toxiques dans notre organisme. 

Une étude menée par une professeure de médecine environnementale à New York, vient de démontrer qu’en 2045, le taux de fécondité, le nombre d’enfants qui naîtrait naturellement, serait si bas que nous ne pourrions plus assurer la survie de l’espèce humaine. La cause ? Nous n’arrêtons pas de consommer des phtalates, BPA (bisphénol A) ou Teflon. A ceux-ci viennent s’ajouter tous les produits nocifs contenus dans les herbicides, pesticides, contenant des molécules telles que les néonicotinoïdes, glyphosate ou SDHI, sans parler des effets cocktails qui peuvent multiplier des milliers de fois leur toxicité (cf. étude Séralini et Junger).

L’agriculture chimique nourrit depuis 70 ans les plantes directement avec des granulés chimiques absorbables partiellement par les racines. Avec cette méthode, petit à petit, le sol se dévitalise et pollue gravement l’eau avec ses nitrates et ses pesticides. Selon la FNAB (Fédération Nationale d’Agriculture Biologique), le coût de la dépollution en France est de 54 milliards d’euros par an.

Gilles Billen, directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) mentionne « Il est possible de nourrir la France en se passant des pesticides et des engrais de synthèse. Et ainsi on préserve les ressources en eau et la biodiversité, tout en émettant deux fois moins de gaz à effet de serre ».

La Réunion peut devenir, par choix volontaire, le premier lieu à grande échelle ayant adopté une transition 100% agro-bio-socio-écologique avec tout le cercle vertueux qui s’y rattache. Ce choix éviterait à des agriculteurs de se poser des questions d’ordre moral où ils doivent choisir entre la perte de revenus qui sont de plus en plus aléatoires et l’impossibilité de nourrir leur famille OU faire manger un poison lent aux réunionnais. Certains exploitants agricoles refusent ce dilemme, ainsi, à La Réunion, depuis 2018, plus de 50% des nouvelles installations agricoles se font en agriculture biologique. 

Il existe des préjugés existants sur la  production en Agriculture Biologique. Pour les combattre, une des solutions serait de démontrer la viabilité économique de ces modèles de production en mettant en place des “fermes de références” mais aussi de développer les pratiques alternatives. Outre toute considération politique, nous pouvons regarder l’exemple cubain (insularité, blocus mondial pendant des décennies) visant à l’autosuffisance alimentaire et qui pourrait inspirer La Réunion.

Les consommateurs sont de plus en plus conscients de cette problématique et 95% seraient favorables à une alimentation bio (source Oasis Réunion) dès lors que les prix restent équivalents à ceux du marché alimentaire classique actuel.

Le souci est que nos agriculteurs sont manipulés par l’industrie de l’agrochimie qui leur vend des solutions toxiques pour accroître leur rendement et qui les oblige à acheter des “graines” infécondes chaque année ce qui les rend dépendant des grands groupes commerciaux.

Notre système actuel industrialisé et mondialisé est ainsi fait qu’il favorise les plus grandes exploitations au détriment des plus petites. Il n’y a qu’à regarder les courbes du nombre d’exploitants agricoles pour s’en assurer. Ces grandes exploitations sont de plus en plus financées par les fonds européens. Dans le même temps, elles déversent des fluides mortels dans l’environnement. elles deviennent des “pollueurs non payeurs“, voire “payés” (subventionnés) pour pouvoir continuer. 

Il n’est donc pas surprenant que des agriculteurs ayant fait le choix de ce modèle dominant, injustement appelé “moderne” et “de progrès”, utilisent les armes/outils de la chimie en toute cohérence. Les canniers conventionnels chimiques souhaitent avoir une alternative au désherbant … Elle existe.

Dans l’urgence, ils peuvent utiliser des bottes de bagasse pour pailler 10 à 20 cm. A la plantation, faire des sillons plus large pour adapter la mécanisation sur des petites surfaces (passer un tracteur avec machine à dents par exemple) et comme évoqué dans les parutions presses précédentes, désherber à la main permet de diversifier les cultures donc maintenir voire augmenter leur revenu (et les heures de travail aussi… ). Le dépaillage de la canne permet de pailler le sol et ainsi limiter grandement le désherbage et aussi l’utilisation de l’eau d’irrigation … 

Le système actuel est tellement perfide qu’il ne demande pas l’avis des consommateurs : l’État prélève nos impôts pour financer la Politique Agricole Commune, qui versent des subventions aux plus grandes exploitations agricoles, qui tuent le Vivant (eau, terre, animaux, insectes, …) ce qui cause des maladies aux humains. Puis ce système prélève de nouveaux de l’argent sur nos revenus pour nous soigner. Le plus grand nombre paie pendant qu’une minorité s’enrichit. Le laboratoire qui vend le pesticide, vend le médicament. La boucle est bouclée.

N’y a-t-il pas un problème ? Ne pourrions-nous pas avoir un raisonnement global plutôt que parcellaire ?

Comme cette proposition de solution : En 2019, en France, 48 000 agriculteurs bio cultivaient 2,3 millions d’hectares dans toutes les filières agricoles, sans aucun intrant chimique, ni pesticide, ni OGM, dont à La Réunion 400 agriculteurs sur 1 500 hectares en bio.

L’objectif est bien de changer de modèle pour ne plus avoir besoin de ces poisons. Il s’agira d’établir un accompagnement adéquat, approprié et accepté par toutes les parties prenantes. Pour cela nous pourrions étudier le PSG (Plan Stratégique Global) proposé par Oasis Réunion sur la base de sa Radioscopie en 7 Points capitaux.

L’agriculture nous ramène à une autre problématique.

Nous aurions aimé que les syndicats agricoles s’insurgent de la dépendance aux importations catastrophiques à La Réunion : 80% voire de 99% (lire le Point N°1 de la Radioscopie d’Oasis Réunion) viennent directement, ou sont produites à partir d’éléments extérieurs à notre île. Le Président de la République actuel indiquait lors de son allocution télévisée du 12 mars 2020 : ” Déléguer notre alimentation, […], à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle. “

Nous sommes donc dépendant d’une rupture d’approvisionnement de notre île : confinement, maladie, bateau qui bloque le canal de Suez, grève dans les ports, … Il nous faut créer un modèle de résilience. Nous pourrions tout à fait atteindre l’Autonomie Alimentaire Durable. De plus, cette proposition résoudrait partiellement une problématique d’ordre économique et social. Ce véritable investissement pour le présent comme pour l’avenir, offre, à la clé, un gisement potentiel de 180 000 emplois !

L’agriculture respectueuse de l’environnement n’est pas une utopie, c’est une réalité qu’une volonté commune peut créer. C’est cette alternative vertueuse que je souhaite défendre.

Bernard PADE, Saint-André

Référent Est de Génération Ecologie La Réunion 

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