Le chantier de la route la plus couteuse d’Europe est une véritable usine à polémiques. Beaucoup d’acteurs y sont mêlés et des intérêts s’entrechoquent, de La Réunion à Madagascar.
A Antananarivo, la capitale malgache, peu de personnes sont au courant de l’exportation de roches malgaches vers La Réunion. Ici, la préoccupation est plus dans le quotidien que dans un projet dont la manne financière générée n’induira pas un projet de développement, mais entretiendra la fortune d’une poignée de personnes.
Lutter sous la bannière
Justement, c’est sur la côte Est, à Amboakatra, que les roches servant à alimenter l’immense chantier du NRL. Ambokatra est située à quelques encablures de Toamasina, la deuxième ville de la Grande île. Dans cette zone, les derniers vestiges de la forêt originelle de l’Est subsistent. Autant dire, c’est un sanctuaire de la nature. Pourtant, une immense carrière y a été creusée, défigurant le paysage. L’exploitation – effectuée par le leader du BTP à Madagascar qui fait figure d’ « intouchable » – a reçu l’aval de l’Office National pour l’Environnement (ONE). La société Biotope a effectué la mission d’étude d’impacts environnementaux et celle de la mise en conformité socio-environnementales. Les risques de ce projet font peser à l’environnement sont nombreux sans oublier le gêne que cela occasionne sur les communautés riveraines. En effet, pour satisfaire la commande de 221 000 tonnes de roches, près de 11 000 voyages de camions de 20 tonnes sont nécessaires. Pour les expédier, les véhicules doivent rallier le port de Toamasina la nuit.
Experts
La destinée d’Amboakatra est intimement liée à celle de Bois Blanc. Cette saignée sur le sol malgache aurait pu avoir lieu sur le territoire réunionnais sans la pugnacité du collectif « touch pas nout roche » qui a mobilisé près de 4 500 personnes. Petit flashback. Le 27 juillet 2015, Noël Pessague, le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable quant à l’installation d’une carrière sur le site de Bois-Blanc. Pendant un mois, l’expert a recueilli les observations de la population riveraine fermement opposée à cette exploitation. De l’autre côté, les transporteurs, quelques politiques et les acteurs du BTP sont favorables à l’installation du site de Bois Blanc. Revirement, le 8 février dernier, le préfet annonce sur les ondes de Réunion Première que la SCPR a choisi d’abandonner son projet initial de carrière à Bois Blanc pour vous en proposer un nouveau dossier… sur le même site. La Préfecture n’ayant pas donné suite à l’avis défavorable de la première enquête. Ce nouveau projet prendrait davantage en compte la donne environnementale, promet la préfecture.
Extraction titanesque
Et sur les rives malgaches ? Tout comme pour de nombreuses opérations économiques, l’exploitation de la carrière d’Amboakatra s’est faite en catimini. Malgré les ravages qu’elle occasionne, l’on en parle peu dans les médias. La seule voix qui ose dénoncer cette extraction titanesque est celle de Philippe Andriantavy basé à La Réunion. Ce, dans une missive envoyée à l’endroit du DG de l’ONE le 18 novembre 2015. Dans la Grande île, la situation critique de famine dans le Sud, l’instabilité politique et la préparation du sommet de la Francophonie occupent le champ médiatique. Bois Blanc et Amboakatra, le destin risque de se croiser réellement cette fois-ci.
2 commentaires
Ajouter une réponse2 Pings & Trackbacks
Pingback:Exportation de roches malgaches : la légalité de Colas en question – Journal.re
Pingback:NRL : la fuite en avant de Ségolène Royal – Journal.re