Quand il mange un bon cari, il peut arriver qu’une pulsion pousse le Créole à mettre les couverts de côté et à opter pour l’utilisation de ses doigts. C’est comme une frénésie qui viendrait du plus profond de l’être ou du fin fond de son âme, une pulsion primaire. C’est comme si le contact manuel avec les aliments les rendait plus gouteux, plus agréable en bouche.

Plaisir gustatif

Mélanger le riz avec un peu de cari. Porter le mélange jusqu’à la bouche procure une sensation authentique et un sentiment de bien-être, si bien que le repas semble encore plus savoureux. L’amour de la ripaille chez le Créole est bien connu, si bien que les expressions délicieuses le décrivant sont nombreuses : « piton de riz » ou « vente mangé ». Des expressions qui démontrent que quand l’on mange, on ne lésine pas sur la quantité. Le plaisir gustatif passant avant tout, il faut être rassasié avant d’arrêter de manger. Mais il est à se demander si le fait que le Réunionnais mange jusqu’à satiété ne trahisse la peur d’un certain manque. En ce moment, les chiffres sont alarmants sur l’obésité sur l’île. La prise de conscience tarde à venir tant l’éducation à la bonne alimentation est défaillante. Pour l’anecdote, la tradition japonaise veut que l’on arrête de manger quand on a l’impression d’avoir l’estomac rempli à 80%. Il ne faut plus manger au-delà de cette limite. Selon la croyance nippone, le « Hara Hachi Bu » permet d’allonger sensiblement son espérance de vie. D’ailleurs, le Japon compte le plus grand nombre de centenaires.

Us et coutume

Les mutations civilisationnelles ont fait que les Réunionnais ont de plus en plus abandonné la pratique qui a encore cours en Afrique ou en Inde. « Prend tes couverts ne mange pas avec les mains ». Cet ordre que vous avez entendu maintes fois de la part de votre mère met quasiment fin à cet us. A une certaine époque, il était d’usage de manger dans une feuille de banane. Même en France, l’on a mangé avec les doigts. Même si cette pratique n’est plus autant répandue, elle comporte de nombreux avantages. D’aucuns expliquent que de cette manière, la nourriture a un meilleur goût. Cela permet la combinaison de quatre sens au lieu de trois (le touché, l’odorat, le goût et la vue). C’est mieux pour l’environnement (des vaisselles en moins à laver) et cela permet d’éviter de se brûler la langue – les doigts prennent les repas en premier. En puis, on se fait pas engueuler si on ne tient pas sa fourchette ou son couteau comme il faut.