L’école de la république a conduit les réunionnais à prendre conscience de leur volonté d’être les premiers acteurs de leur devenir. Mais comment sortir de cette sorte d’anesthésie consentie depuis des décennies, sans passer par une réforme institutionnelle pleinement mise à profit et sans provoquer la levée de bouclier de la peur ? Comment répondre à la revendication identitaire comme enchantement stratégique d’une désillusion, celle de la remise en question de l’égalité citoyenne que la départementalisation était censée consacrer ?
Pris dans l’étau d’une droite alarmiste ancrée dans la France, rappelant qu’il ne faut pas « mordre la main qui nourrit » ; et une gauche parfois extrême, tentée par l’autonomie/indépendance, ne laissant pratiquement exister d’expression politique programmatique que celle de l’identité culturelle, le débat institutionnel réunionnais s’est figé sur ce fameux amendement Virapoullé. Ce point de pur droit est devenu un argument purement politique, laissant craindre un débat sans fin.
Pourtant, parce que le statut n’est pas une fin en soi mais bien un moyen, la solution du juste milieu est possible.
D’ailleurs, il y a cinq ans déjà dans un rapport d’information publié à l’assemblée nationale sur les débats institutionnels dans les outre-mer, les justifications juridiques au changement statutaire ont été pertinemment mises en évidence : la simplification et la lisibilité des dispositions relatives à l’outre-mer et la mise à disposition de chaque collectivité d’outre-mer « d’une boite à outil » (pour reprendre les propos de Véronique Bertile), lui permettant d’adopter un statut à la carte selon ses besoins et son projet de développement.
Parce que oui, il y a pour les outre-mer, et particulièrement pour La Réunion nécessité d’un projet de société : les difficultés que partagent les outre-mer depuis des décennies sont structurelles. Le conseil économique, social et environnemental régional (CESER) de La Réunion, dans son rapport de 2017 diagnostique le frein majeur de développement. « La pauvreté touche tous les réunionnais dans différents aspects de leur vie quotidienne (…). Des mesures conjoncturelles ajoutées les unes aux autres n’ont pas résolu et ne résoudront pas « le problème structurel de société, qui est un problème de sens ». Cela relève du bon sens !
On retient donc bien que l’autonomie n’est pas l’indépendance. Il s’agit de la qualification des compétences pour décider directement dans certains domaines ou le pouvoir concentré de l’Etat n’est pas adapté à le faire.
Il serait temps de passer de la parole aux actes, d’autant que le Président frappé d’un réel désamour semble néanmoins, disposé à répondre positivement aux demandes des députés de gauche qui s’étaient clairement exprimés en 2018 en faveur d’une révision constitutionnelle.