Oui, le créole réunionnais est un patois bien sympathique, comme l’a dit Margie Sudre et comme le pense Armand Gunet, président de l’association “Réagissons”. Un joli patois bien sympathique, grand cousin de mon bon patois vendéen, ma langue maternelle si riche en termes médiévaux ! Qu’est-ce qu’un patois ?
Avant tout, un langage oral qui se caractérise par la simplification à l’extrême de la syntaxe. Pas de subjonctif dans mon patois vendéen, ni non plus en créole. Conjuguons par exemple ceci : « mi veux ou vien, mi veux li vien, mi veux zot i vien ». En plus de l’économie du subjonctif, un gros monstre difficile à dompter, on se passe volontiers de la conjonction « que » et on traîne partout la même forme verbale vien.
Ajoutons, pour pimenter ce raisonnement, l’expression « bonbon la fesse ». Là, c’est la préposition qui a fondu comme un suppositoire placé « ou sa zot i coné ». Même type d’évaporation dans la tournure « lofis la langue » de l’éminent linguiste Axel Gauvin, qui a appris la linguistique en sirotant une tasse de thé !
Et à propos de ce lofis, parlons écriture ! Pourquoi l’écrire ainsi alors que ce mot nous vient du latin « obficium », puis, après assimilation toute logique, « officium ». Les deux ff sont justifiés depuis des siècles. Et la finale ce se prononce toujours de la même façon ? Tuer l’origine des mots, c’est tuer les mots eux-mêmes, tuer leur paternité, leur histoire ! Qui dit mieux ? Les soi-disant philologues, sémanticiens et lexicologues, Gauvin, Prudent and C°, sont des révisionnistes péi ! On irait jusqu’à tuer père et mère pour laisser croire qu’on sort de la cuisse d’un ange avec un langage tout nouveau qu’on a pour mission de répandre sur terre, sous les cocotiers !
Pour parodier Boris Vian, ils pourraient dire en chœur : « Cette langue est vraie, puisque je l’ai inventée » ! Et pis, pour pimenter son discours angélique, Axel Gauvin nous chante que le créole est cause d’un gros complexe d’infériorité, et cela dans un gros ouvrage où il s’est appliqué à délayer son idée, comme on le fait quand on veut faire monter sa mayonnaise.
Pardon, dame Concision ! En une seule phrase, on peut soutenir le contraire : un langage, quel qu’il soit, ne donne aucune maladie ! Si complexe il y a chez l’enfant, c’est que ce malaise est à trouver dans le milieu familial. Inutile de recourir aux soins d’un Diafoirus linguiste ! Un psychologue fera l’affaire à condition qu’il n’ait pas l’esprit contaminé par ce même malaise! Ne laissons pas s’échapper trop vite le docteur Diafoirus, spécialiste de la fouére et autres maladies et qui a pour célèbre papa, Molière ! J’étais dans la cour de récréation, dans mon école primaire de Saint-Amand-sur-Sèvre. J’avais six ou sept ans.
Le directeur, le Frère Paul, un grand homme, me demande pourquoi mon frère n’est pas venu en classe, et ma réponse a fusé instinctivement en patois vendéen : « La fouére » ! Et il est parti, perplexe, sans rien dire d’autre ! Pourquoi cette perplexité ? L’envie de me corriger et de m’apprendre la langue de Molière ? Le mot diarrhée dont j’ignorais l’existence ? Qu’importe ! En tout cas, il a respecté mon royaume : ma cour de récréation, où l’on parle comme on veut ! Malgré le bruit des bottes allemandes, le patois vendéen et le français de Paris se côtoyaient sans se chamailler, l’un enseigné à la maison et l’autre seulement en classe et chez monsieur le curé ! Et mes vaches étaient bien gardées !