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« Il faut continuer à lutter », le témoignage de Françoise Vergès

Paul Vergès est né à Ubon Ratchatani – aujourd’hui dans le nord-est de la Thaïlande – en 1925, au Siam, colonies de l’Indochine. Nés d’une mère vietnamienne et d’un père réunionnais, deux « sujets » de l’empire colonial français, Paul Vergès, mon père, et son frère jumeau Jacques, arrivent sur l’île natale de leur père plusieurs années plus tard. Ils grandissent orphelins de leur mère.

Les deux garçons reçoivent une éducation « politique » et classique. Ils s’embarquent à 17 ans pour lutter contre le Nazisme. A la fin de la guerre, ils se retrouvent à Paris où ils rencontrent toute la génération issue des rangs des colonies françaises qui publie des journaux, écrivent, s’organisent contre le colonialisme français. Mon père est alors membre du Parti communiste français (PCF). Il rencontre ma mère. Jacques se dirige vers des études de droit.

Mes parents sont arrivés à La Réunion en 1954. Fondateur du Parti communiste réunionnais, mon père était formidablement ouvert sur le monde et attentif à toutes les luttes. Je l’ai toujours vu lire. A table, nous discutions beaucoup de l’actualité politique, et à la maison, arrivaient les journaux des mouvements de libération nationale, Granma de Cuba. Ma chambre d’enfant était ornée de posters des Panthères noires, de Che Guevara, des femmes vietnamiennes en lutte…

J’ai reçu une éducation politique, littéraire, et cinématographique incroyable durant une période postcoloniale où tout était contrôlé. J’ai été témoin de la manière dont l’Etat réprimait ceux qui luttaient en les ciblant à travers une campagne de diffamation, de l’emprisonnement ou tout simplement en les rouant de coups. Un jour, mon père est arrivé pratiquement dans le coma. Les CRS voulaient l’achever et ma mère l’a tiré de leurs griffes.

Paul Vergès était incroyablement amoureux de La Réunion et du peuple réunionnais. Il toujours célébrant ses réussites à travers son humour, son histoire et sa créativité. Jamais il ne cédait à la mélancolie mortifère, quand il y avait une défaite – et il y en eut beaucoup avec la fraude généralisée, les violations des droits civiques, les milices privées assassinant des militants communistes – il nous disait qu’il fallait continuer à lutter. « Que croyions-nous ? Que nos ennemis nous laisseraient faire ? »

Il avait un grand courage moral, physique et politique. Il a connu de grandes figures de la décolonisation. Aimé Césaire, Ho Chi Minh, Fidel Castro… Je me souviens de Marcelino Dos Santos, du FRELIMO, déclarant publiquement la dette immense du FRELIMO envers Paul Vergès qui, dès les premières années de leur lutte, les avaient soutenus activement. Il était aussi un être humain avec tout ce qui fait un être humain.

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