Une nouvelle fois, la communauté internationale a rejeté les sanctions économiques qui étranglent le peuple cubain.
Pour la vingt-cinquième année consécutive, l’Assemblée générale des Nations unies a exprimé sa condamnation du blocus économique, commercial et financier imposé par Washington à Cuba depuis plus d’un demi-siècle. Les sanctions obsolètes – elles remontent à la Guerre froide –, immorales – elles affectent les catégories les plus vulnérables de la population civile –, et illégales – en raison de leur portée rétroactive et extraterritoriale –, constituent le principal obstacle au développement de l’île .
Sur les 193 pays présents lors de la rencontre annuelle, 191 ont exhorté les Etats-Unis à mettre un terme au châtiment infligé à la population cubaine, qui impacte tous les secteurs de la société. Pour la première fois depuis 1992, année de la présentation initiale par Cuba de la résolution exigeant l’élimination des mesures de rétorsion économique imposées depuis 1960, Washington a décidé de s’abstenir lors du vote, reconnaissant ainsi l’échec de sa politique d’hostilité à l’égard des Cubains ainsi que la réalité de son isolement sur la scène internationale. Israël, qui a toujours suivi le vote des Etats-Unis, a également choisi l’abstention .
Samantha Power, représentante des Etats-Unis aux Nations Unies, avait annoncé lors de son allocution la décision de la Maison-Blanche de ne pas rejeter le texte de résolution comme les années précédentes :
« Depuis plus de 50 ans, les Etats-Unis ont appliqué une politique destinée à isoler le gouvernement de Cuba. Depuis un quart de siècle, les membres des Nations unies ont voté de manière unanime en faveur de la résolution […] qui condamne l’embargo des Etats-Unis. […] Au lieu d’isoler Cuba, […] notre politique a isolé les Etats-Unis, y compris au sein des Nations unies. Aujourd’hui, les Etats-Unis opteront pour l’abstention. C’est un autre pas modeste et nous espérons qu’il y en aura encore beaucoup d’autres afin de mettre fin à l’embargo américain une fois pour toutes ».
Ce vote historique s’inscrit dans la continuité des mesures adoptées par Barack Obama depuis le rétablissement du dialogue avec La Havane le 17 décembre 2014. Depuis cette date, la Maison-Blanche a procédé à la libération de trois prisonniers politiques cubains et a retiré Cuba de la liste des pays soutenant le terrorisme. Elle a également annoncé à plusieurs reprises – six au total – des allègements parcimonieux des sanctions économiques, même si leur portée reste très limitée. Ainsi, depuis deux ans, l’administration démocrate a renoué les relations diplomatiques avec Cuba, procédé à la réouverture d’une ambassade à La Havane, rétabli les vols commerciaux directs entre les deux pays, élargi les catégories (12 au total) de citoyens étasuniens autorisés à se rendre à Cuba et donné son accord pour certains investissements étasuniens dans l’île, notamment dans le domaine des télécommunications. La visite historique de Barack Obama à Cuba en mars 2016 a consacré cette nouvelle ère pour les relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Les dernières mesures ont été annoncées le 14 octobre 2016, soit deux semaines avant le vote aux Nations unies, et permettent, entre autres, aux citoyens étasuniens autorisés à voyager à Cuba de ramener du rhum et du tabac cubains sans limite de quantité. Néanmoins, Washington interdit toujours l’importation classique de ces mêmes produits sur le marché étasunien. De la même manière, Barack Obama avait annoncé en mars 2016 que Cuba pourrait dorénavant utiliser le dollar pour ses transactions internationales. Plus de six mois après cette annonce, La Havane n’a toujours pas pu réaliser d’échanges en monnaie étasunienne, en raison de la crainte des banques internationales d’être sanctionnées par le Département du Trésor étasunien .
Le gouvernement cubain, par la voix de Bruno Rodríguez, Ministre des Affaires étrangères, a salué le geste de Barack Obama. Néanmoins, il a tenu à rappeler que les sanctions économiques étaient toujours en vigueur :
« Le blocus économique, commercial et financier persiste, provoque des dommages au peuple cubain et constitue un obstacle au développement du pays. […] Il n’y a pas de famille cubaine ni de secteur dans le pays qui n’ait pas souffert de ses effets : au niveau de la santé, de l’alimentation, des services, des prix des produits, des salaires et des retraites. […] En raison de son caractère résolument extraterritorial, il affecte aussi directement tous les Etats membres des Nations unies ».
Aucune administration n’aura été aussi loin dans la normalisation des relations avec Cuba que celle de Barack Obama. Cependant, alors que son dernier mandat touche à sa fin, le Président des Etats-Unis n’a pas fait usage de ses prérogatives en tant que chef du pouvoir exécutif pour démanteler le réseau de sanctions économiques contre Cuba. En effet, la Maison-Blanche pourrait par exemple rétablir le commerce bilatéral entre les entreprises étasuniennes et cubaines, autoriser les investissements étasuniens à Cuba et autoriser Cuba à acquérir des produits non alimentaires à crédit sur le marché des Etats-Unis. Les domaines relevant d’une décision du Congrès sont relativement restreints et peuvent être contournés par le pouvoir exécutif.
Depuis leur imposition il y a plus d’un demi-siècle, les sanctions économiques ont coûté 125 milliards de dollars à l’économie cubaine et constituent le principal obstacle au développement de l’île. Elles constituent une violation grave du droit international et suscitent l’opprobre de la communauté internationale qui a une nouvelle fois exprimé son opposition aux mesures de coercition imposées à la population. Leur levée est indispensable à la normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Salim Lamrani
Université de La Réunion